Discours du Président de la République devant l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies [zh_tw]

Le Président de la République Emmanuel Macron est intervenu à New-York à l’occasion de la 77ème session de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations unies.

[Seul le prononcé fait foi]

Monsieur le Président de l’Assemblée générale,
Madame la Secrétaire générale adjointe des Nations unies,
Mesdames et messieurs les chefs d’État et de Gouvernement,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,

C’est un honneur pour moi de prendre la parole devant cette Assemblée pour y porter la voix de la France. Et à cet instant, je pense à ceux qui se sont battus dans mon pays mais également partout dans le monde pour que, précisément, la France soit libre. A ceux aussi qui ont estimé que le destin de l’Europe ne pouvait leur être indifférent en d’autres temps, et celles-là, et ceux-là, qu’ils viennent d’Afrique, d’Asie, d’Océanie ou d’Amérique parce qu’une part de leur liberté comme de l’avenir du monde s’y jouait. Je pense à ceux qui ont écrit notre Charte et bâti les murs de cette organisation pour conjurer le pire une fois celui-ci advenu à deux reprises au XXᵉ siècle, infligeant à l’humanité tout entière d’indicibles souffrances.

N’oublions jamais cette dette. Elle sert les intérêts de tous nos pays et nous montre le chemin de la paix. Elle nous rappelle qu’il n’est d’autre centre de pouvoir légitime et durable que celui que les Nations décident souverainement en s’unissant. Elle nous dit que l’universalité de notre organisation n’est au service d’aucune hégémonie, d’aucune oligarchie géopolitique. Or, cet héritage, notre organisation, tout comme d’ailleurs nos choix en tant que Nations, sont aujourd’hui confrontés à une alternative.

Nous avons aujourd’hui à faire un choix simple, au fond : celui de la guerre ou de la paix. Le 24 février dernier, la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, a rompu par un acte d’agression, d’invasion et d’annexion, notre sécurité collective. Elle a délibérément violé la Charte des Nations unies et le principe d’égalité souveraine des Etats. Dès le 16 mars, la Cour internationale de justice a déclaré l’agression russe illégale et a exigé le retrait de la Russie. La Russie a décidé, ce faisant, d’ouvrir la voie à d’autres guerres d’annexion aujourd’hui en Europe, mais peut-être demain en Asie, en Afrique ou en Amérique latine.

On peut dire tout ce qu’on veut aujourd’hui, j’entends nombre de débats, j’ai entendu nombre de prises de parole. Il est une chose sûre et certaine : au moment où je vous parle, il y a des troupes russes en Ukraine et à ma connaissance, il n’y a pas de troupes ukrainiennes en Russie. C’est un état de fait et nous devons tous le regarder. Plus cette guerre dure, plus elle devient menaçante pour la paix en Europe, mais aussi pour celle du monde. Elle nous conduit vers une conflictualité élargie, permanente, où la souveraineté et la sécurité de chacun ne dépendent plus que de rapports de forces, de taille des armées, de la solidité des alliances ou des intentions des groupes armés et des milices. Où ceux qui se considèrent comme forts cherchent à soumettre par tous les moyens ceux qu’ils considèrent comme faibles.

Ce à quoi nous assistons depuis le 24 février dernier est un retour à l’âge des impérialismes et des colonies. La France le refuse et recherchera obstinément la paix. Là-dessus, notre position est claire et c’est au service de cette position que j’assume le dialogue conduit avec la Russie dès avant le déclenchement de la guerre, tout au long des derniers mois, et que je continuerai de l’assumer car c’est ainsi qu’ensemble, nous rechercherons la paix, la recherche de la paix par les initiatives prises au cours des années et des mois qui ont précédé le conflit pour l’éviter.

La recherche de la paix depuis le 24 février par le soutien humanitaire, économique et militaire que nous apportons au peuple ukrainien pour exercer son droit de légitime défense et préserver sa liberté, la recherche de la paix par notre condamnation de l’invasion d’un État souverain, de la violation des principes de notre sécurité collective, des crimes de guerre commis par la Russie sur le sol ukrainien et par notre refus de l’impunité. La justice internationale devra établir les crimes et juger les coupables.

La recherche de la paix, enfin, par notre volonté d’endiguer l’extension géographique et l’intensité de la guerre. Il nous incombe à cet égard de soutenir les efforts de l’Agence internationale de l’énergie atomique pour prévenir les conséquences de la guerre sur la sûreté et la sécurité nucléaire, comme nous le ferons demain aux côtés des Ukrainiens dont la souveraineté sur leurs centrales ne saurait être discutée. Nous avons obtenu qu’une mission de l’Agence se rende sur le terrain et établisse un rapport de façon indépendante. Nous travaillons ensemble pour prévenir le risque d’un accident dont les conséquences seraient dévastatrices.

Nous savons tous ici que seul un accord respectant le droit international permettra de rétablir la paix. Une négociation ne sera possible que si souverainement, l’Ukraine le veut et la Russie l’accepte de bonne foi. Nous savons tous aussi qu’une négociation n’aboutira que si la souveraineté de l’Ukraine est respectée, son territoire libéré, sa sécurité protégée. La Russie doit maintenant entendre qu’elle ne saurait imposer quelque volonté par des moyens militaires, même en y adjoignant avec cynisme des simulacres de référendum dans des territoires bombardés et désormais occupés. Il incombe aux membres du Conseil de sécurité de le dire haut et clair et aux membres de cette assemblée de nous soutenir sur ce chemin de la paix.

J’appelle à cette tribune les membres des Nations unies à agir pour que la Russie renonce au choix de la guerre, en mesure le coût pour elle-même et pour nous tous et mette un terme à son agression. Il ne s’agit pas ici de choisir un camp entre l’Est et l’Ouest, ni entre le Nord et le Sud. Il s’agit de la responsabilité de tous ceux qui sont attachés au respect de la Charte et à notre bien le plus précieux, la paix, car au-delà de la guerre, c’est un risque de division du monde qui se joue en raison des conséquences directes et indirectes du conflit.

Je sais qu’ici, dans cette assemblée, beaucoup nourrissent un sentiment d’injustice face aux conséquences énergétiques, alimentaires, économiques dramatiques de la guerre menée par la Russie. Je sais aussi que certains pays ici représentés sont restés dans une forme de neutralité à l’égard de cette guerre, mais je veux vous le dire avec la plus grande des nettetés aujourd’hui : qui voudrait mimer le combat des non-alignés en refusant de s’exprimer clairement se trompe et prend une responsabilité historique. Le combat des non-alignés, c’était un combat pour la paix. Le combat des non-alignés, c’était un combat au service de la souveraineté des États pour l’intégrité territoriale de chacun. Le combat des non-alignés, c’est cela. Ceux qui se taisent aujourd’hui servent malgré eux ou secrètement avec une certaine complicité la cause d’un nouvel impérialisme, d’un cynisme contemporain qui désagrège notre ordre international sans lequel la paix n’est possible.

La Russie s’emploie à installer l’idée aujourd’hui d’un double standard, mais la guerre en Ukraine ne doit être un conflit indifférent pour personne. Elle est proche pour les Européens qui ont choisi de soutenir l’Ukraine sans entrer en guerre avec la Russie. Elle est plus lointaine pour beaucoup d’entre vous, mais nous en avons tous les conséquences directes et nous avons tous un rôle à jouer pour y mettre un terme car nous en payons tous le prix. Par ses fondements même, cette guerre lancée par la Russie bafoue les principes au cœur de notre organisation, bafoue les principes du seul ordre international possible, le seul à pouvoir garantir la paix, c’est-à-dire le respect de la souveraineté nationale et de l’intangibilité des frontières.

À cet égard, ne confondant pas causes et conséquences, qui peut ici défendre l’idée que l’invasion de l’Ukraine ne justifiait aucune sanction ? Lequel d’entre vous pourrait considérer que le jour où quelque chose de semblable fait par un voisin plus puissant lui arrivait, le silence de la région et du monde serait la meilleure des réponses ? Qui peut le soutenir ? Qui peut croire qu’il suffirait que la Russie remporte cette guerre pour que nous passions à autre chose ? Personne. L’impérialisme contemporain n’est pas européen ou occidental. Il prend la forme d’une invasion territoriale adossée à une guerre hybride mondialisée qui utilise le prix de l’énergie, la sécurité alimentaire, la sûreté nucléaire, l’accès à l’information et les mouvements de population comme des armes de division et de destruction. C’est en cela que cette guerre porte atteinte à nos souverainetés à tous.

Aussi, la France se tiendra aux côtés des peuples libres des Nations unies pour faire face aux conséquences du conflit comme à toutes les inégalités qu’il accroît en récusant les logiques de blocs ou d’alliances exclusives car au-delà des conséquences directes de la guerre, le risque qui est aujourd’hui le nôtre est celui d’une nouvelle partition du monde. Certains voudraient nous faire croire qu’il y aurait d’un côté l’Ouest qui défendrait des valeurs dépassées au service de ses intérêts et de l’autre côté, le reste du monde qui a tant souffert et cherche à coopérer en soutenant la guerre ou en détournant le regard. Je récuse cette division pour au moins deux raisons.

La première par principe, et je viens de l’évoquer. Notre organisation porte des valeurs universelles, ne laissons pas s’installer l’idée sourde qu’il y aurait dans les valeurs de la charte quelque chose de régional, d’adaptable. Notre organisation a bien des valeurs universelles et la division face à la guerre en Ukraine est simple : êtes-vous pour ou contre la loi du plus fort, le non-respect de l’intégrité territoriale des pays et de la souveraineté nationale ? Êtes-vous pour ou contre l’impunité ? Je ne conçois aucun ordre international ni paix durable qui ne puisse être fondé sur le respect des peuples et le principe de responsabilité. Donc, oui, nos valeurs sont universelles et c’est pour cela qu’elles ne doivent jamais être au service d’une puissance qui viole ces principes. Et quand, ces dernières années, nous avons pris des libertés avec ces mêmes valeurs, nous avons eu tort, mais cela ne saurait aucunement justifier de fouler aux pieds ce que nous avons collectivement bâti après la Seconde Guerre mondiale.

Quand j’entends la Russie se dire prête à œuvrer à des coopérations nouvelles, à un ordre international nouveau, sans hégémonie, la belle affaire, mais sur quels principes ? L’invasion du voisin ? Le non-respect des frontières de celui qui ne me plaît pas ? Quel est cet ordre qui est hégémonique aujourd’hui, si ce n’est la Russie ? Que nous propose-t-on ? Que nous vend-on ? Quel rêve vend-on sur la bonne foi de certaines et certains ici ? Rien qui ne tienne longtemps. Ne cédons pas au cynisme qui désagrège l’ordre qui nous a construit et permet seul de tenir la stabilité internationale car ces valeurs qui sont les nôtres, le respect de la souveraineté nationale, de l’intégrité des frontières, je le dis, nous avons eu tort à chaque fois que nous avons pris des licences avec elles mais ce sont les valeurs que nous avons bâties après la Seconde Guerre mondiale, après les colonialismes. Refusons de faire bégayer l’histoire sous prétexte que ce sont aujourd’hui d’autres géographies qui sont touchées et ne cédons pas.

La deuxième raison de mon opposition à cette tentative de partition du monde est pragmatique. En fait, derrière les divisions naissantes, il y a une tentative de partition du monde qui renforce la tension entre les Etats-Unis et la Chine, et c’est à mes yeux une erreur funeste pour nous tous car ce ne serait pas une nouvelle guerre froide. Plusieurs puissances de désordre et de déséquilibre jouent de cette période pour multiplier les conflits régionaux, reprendre le chemin de la prolifération nucléaire et faire reculer la sécurité collective. Je pense donc que nous devons tout faire pour que cette nouvelle division ne vienne pas, car nos défis sont de plus en plus nombreux et urgents et nécessitent de nouvelles coopérations.

Regardons le Pakistan : un tiers du pays sous les eaux, plus de 1 400 morts, 1 300 blessés, des millions de personnes en situation d’urgence. Regardons la Corne de l’Afrique, la pire sécheresse depuis 40 ans et une saison des pluies qui sera sans doute pire encore. La moitié de l’humanité vit désormais dans la zone de danger climatique. Nos écosystèmes atteignent les points de non-retour. Regardons en Somalie, au Yémen, au Soudan du Sud, en Afghanistan : la famine revient. La crise alimentaire frappe partout et plus durement les plus fragiles. 345 millions de personnes dans le monde sont en situation de faim aiguë, dont 153 millions d’enfants. 55 guerres civiles sont en cours sur notre planète. 100 millions de personnes sont déplacées. Alors qu’entre 1990 et 2015, 137 000 personnes échappaient chaque jour à l’extrême pauvreté, 345 millions pourraient y tomber d’ici 2030 dans les pays touchés par les conflits.

Face aux crises, au dérèglement climatique, à la pandémie, à la montée des prix de l’alimentation, les plus vulnérables sont toujours les plus touchés. Les menaces sont toujours là en plus de tout cela, le terrorisme qui touche entre autres le Sahel comme le Moyen-Orient, la prolifération nucléaire en Iran comme en Corée du Nord, que nous n’avons pas réussi à endiguer. Telles sont nos urgences. Et à la cavalcade, la description que je viens d’en faire n’est pas exhaustive, mais elles sont à chaque fois ou le résultat des défaillances profondes de notre système international qui a su accompagner les bénéfices de la mondialisation mais n’a pas su endiguer ses fractures, ses menaces, ses déséquilibres, ou la conséquence de nos divisions entre nous.

Notre responsabilité commune est plutôt d’œuvrer pour aider les plus fragiles, les plus touchés à faire face à tous ces défis. Narendra MODI, le Premier ministre de l’Inde, a eu raison de le dire : l’heure n’est pas à la guerre. Elle n’est ni à la revanche contre l’Occident, ni à l’opposition de l’Ouest contre le reste. Elle est au sursaut collectif de nos pays souverains et égaux face aux défis contemporains. C’est pourquoi il est urgent de bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le Sud, un contrat efficace et respectueux pour l’alimentation, pour le climat et la biodiversité, pour l’éducation. Le temps n’est plus aux logiques de blocs, mais à la construction de coalitions d’actions concrètes permettant de concilier intérêt légitime et bien commun.

Face à la crise alimentaire mondiale, la France a d’ores et déjà doublé ses financements au Programme alimentaire mondial. Nous avons bâti avec l’Union européenne les « corridors de solidarité » qui ont permis d’évacuer plus de 10 millions de tonnes de céréales par la voie terrestre depuis le printemps dernier. Ceci a été utilement complété par l’accord du 22 juillet dernier, permis grâce au travail du secrétaire général des Nations unies et qui a permis d’évacuer 2,4 millions de tonnes par la mer Noire, et qui se poursuit. Nous avons porté l’initiative FARM (Food and Agriculture Resilience Initiative), qui permet d’approvisionner les pays vulnérables à bas prix sans condition politique et d’investir dans la production agricole des pays qui souhaitent sortir de la dépendance.

Je vous annonce également que la France financera l’évacuation du blé ukrainien à destination de la Somalie en lien avec le partenariat alimentaire mondial. Nous le ferons avec solidarité, efficacité et exigence de pleine transparence.

Demain, nous réunirons l’Union africaine, les agences des Nations unies, l’Organisation mondiale du commerce, le FMI, les banques de développement et la Commission européenne pour bâtir un mécanisme viable d’accès aux engrais pour l’Afrique, en complément, là encore, des initiatives du secrétaire général sur ce point.

Sur le climat et la biodiversité, dans quelques semaines, nous nous retrouverons à la COP 27 en Égypte. Soyons clairs là aussi sur ce que signifie la transition juste. Notre premier combat collectif est l’éradication du charbon. La crise ne doit pas nous faire perdre le cap. Si nous n’en sortons pas, nous dépasserons plus encore que les prédictions ne le disent les deux degrés Celsius. Je suis prêt à investir dans les coalitions de financement JET (Just Energy Transition), comme nous l’avons par exemple fait avec l’Afrique du Sud il y a quelques mois, et nous devons poursuivre cette logique.

Mais la Chine et les grands émergents doivent prendre une décision claire à la COP. C’est impérieux. Nous devons bâtir à cet égard, autour des grands émergents, des coalitions d’acteurs étatiques avec nos grandes institutions financières internationales pour bâtir des solutions complètes de production d’énergie et de changement des modèles de production industrielle, qui seuls permettront ces transitions.

Ensuite, le G7 doit mener l’exemple. Les pays les plus riches doivent accélérer leurs programmes de neutralité carbone, mais aussi faire l’effort de sobriété et partager les technologies vertes. Vous savez, en la matière, pouvoir compter sur l’Union européenne. Je crois aussi qu’il nous faut reconnaître qu’il existe, pour les pays les plus pauvres, une difficulté à agir en même temps pour la lutte contre la grande pauvreté et l’accélération de la transition. Nous ne pouvons pas demander la même chose à l’Afrique subsaharienne, aux 600 millions de personnes qui n’ont toujours pas accès à l’électricité et aux grands émetteurs. C’est pourquoi la solidarité financière, la solidarité technologique des plus riches doit être renforcée sur le plan climatique à l’égard des pays les plus pauvres. Apporter des financements, apporter des solutions et accélérer cet agenda comme nous avons su le faire au moment de la pandémie, mais de manière encore plus forte, plus efficace, plus résolue.

Nous devons aussi, dans ce contexte, protéger ensemble nos puits de carbone et nos trésors de biodiversité. La France accueillera avec le Costa Rica la Conférence des Nations unies pour les océans en 2025. Faisons-en la COP21 des océans.

Sur la santé, nous devons apprendre de la pandémie de Covid-19. À cet égard, nous devons reconnaître que notre première ligne de défense, ce sont les systèmes et les personnels de santé dans les pays les plus fragiles. J’insisterai sur ce point crucial lors de la reconstitution du Fonds mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont la France restera l’un des tout premiers contributeurs. Nous devons aussi nous assurer que l’OMS mette bien en place les systèmes d’alerte précoce dont nous avons besoin pour prévenir la propagation d’autres virus et nous devons traiter ensemble santé humaine et animale. C’est le sens même de l’initiative “Une seule santé” que la France porte avec plusieurs autres.

Comme nous le faisons avec le Partenariat mondial pour l’éducation, poursuivons nos efforts pour que les enfants aillent à l’école après une pandémie qui les en a privés. C’est lutter à la source contre toutes les inégalités et travailler pour notre avenir à tous.

Vous le voyez, sur tous ces sujets, c’est plus de coopération, ce sont des partenariats d’acteurs, entre l’Ouest le Sud, entre le Nord et le Sud, qu’il faut développer. C’est plus d’engagement dans nos grandes institutions. Tout cela, c’est l’inverse d’une division qu’on veut installer. Qui pendant la pandémie était là ? Qui propose des financements face à la transition climatique ? Pas ceux qui aujourd’hui vous proposent un nouvel ordre international et qui n’avaient pas de vaccin qui marche et qui ont été peu solidaires, et qui n’apportent rien face au climat.

Face à tous ces défis, qui sont les nôtres collectivement, nous devons être plus solidaires, coopérer davantage, mais en aucun cas céder à des sirènes qui ne mènent nul part. Pour y arriver, nous devons aussi être lucides sur la situation des pays les plus pauvres et des pays à revenus intermédiaires qu’ils soient en Afrique, sur le continent sud-américain, en Asie ou dans le Pacifique. La pandémie a encore accru les inégalités, la guerre et ses conséquences accroissent les difficultés pour nombre de ces pays. Le G20 doit donc impérativement tenir l’objectif qu’il s’est donné l’an dernier de mobiliser 100 milliards de dollars à partir des droits de tirage spéciaux.

Mais nous devons aller plus loin et plus fort. D’abord sur la base de ces émissions de droits de tirage spéciaux du FMI, nous devons mettre en œuvre ce à quoi nous nous sommes engagés. Tant de pays, en particulier en Afrique, n’ont pas encore vu cet argent et nous ne pouvons plus leur expliquer que tel parlement bloque, que telle règle l’empêche. C’est impossible ! Nous arriverons trop tard. Mais nous devons aller plus loin car la difficulté est encore plus grande. Il nous faut donc passer à 30% de réallocation de nos droits de tirage au profit des pays africains les plus exposés et des pays les plus pauvres partout sur la planète.

Et nous devons, avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, réengager nos dispositifs qui ne sont plus adaptés au contexte actuel. Les règles que nous appliquons aujourd’hui sont les règles des années 80. La situation de notre planète post-Covid 19, avec une accélération du dérèglement climatique et d’un effondrement de la biodiversité, et en raison des déséquilibres créés par la guerre, accroît nos exigences de solidarité. Il nous faut un nouveau pacte financier avec le Sud. Voilà notre vraie ligne de front, celle qui doit nous rassembler non pas contre un ennemi commun, non pas contre des histoires fausses ou des révisions historiques, mais pour la planète que nous habitons tous et pour l’égalité des chances à l’échelle de l’humanité.

Ce combat, c’est le nôtre, c’est celui qui nous réunit tous. Il suppose simplement de faire un peu plus d’efforts, de tenir nos accords, d’être exigeant et respectueux les uns avec les autres. Mais ce combat, qui est le vrai, si nous ne sommes pas capables de le mener ensemble, sera la source de toutes les fractures et des conflits à venir. J’invite tous ceux qui veulent bâtir avec nous ce nouveau contrat à venir au Forum de Paris sur la Paix le 11 novembre prochain pour préparer le G20 de Bali et avancer ensemble, sans jamais renoncer aux valeurs qui nous sont communes et aux principes qui nous guident.

Allons à l’essentiel, ne nous résignons pas à la fragmentation du monde et à la montée des menaces à la paix, ne permettons pas que les crises s’additionnent, que les conflits sans solutions se multiplient et que prolifèrent les armes de destruction massive. Ce sont autant de risques que nous ne pourrons plus maîtriser à l’avenir sans associer les puissances régionales les plus directement concernées. C’est précisément ce travail d’association des puissances régionales que nous voulons faire au Moyen-Orient en assurant le suivi de la Conférence de Bagdad que nous avons tenue en 2021, pour la stabilité de l’Irak, pour celle du Liban et de toute la région.

Les membres du P5 ne sont plus les seuls à avoir leur mot à dire. Et s’ils l’ont, et ils l’ont incontestablement, cela ne peut désormais fonctionner que si nous sommes capables d’œuvrer plus largement au consensus international nécessaire à la paix. C’est pourquoi je souhaite que nous engagions enfin la réforme du Conseil de sécurité afin qu’il soit plus représentatif, accueille de nouveaux membres permanents et reste capable de jouer tout son rôle en limitant le recours au droit de veto en cas de crimes de masse. Ce qu’il nous faut faire ensemble, c’est bâtir la paix et l’ordre international contemporain au service des objectifs de notre Charte. Sur ce chemin, les Nations unies pourront indéfectiblement compter sur la France. Sur ce chemin, chaque pays ici présent pourra indéfectiblement compter sur la France.

Je vous remercie.

(Source : site Internet de la présidence de la République)

L’intégralité du discours du Président Emmanuel Macron à l’Assemblée générale des Nations unies 2022(en vidéo)

Dernière modification : 23/09/2022

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